Contrôle 1 Modèle 7 - Français 1ère Année Collège 1AC Semestre 2
Le Larron qui embrassa un rayon de lune
J'ai entendu dire qu'un larron était venu rôder auprès d'une maison où habitait un homme riche. Il voulait y voler quelque chose. Il grimpa vite sur le toit et se mit à écouter pour savoir si quelqu'un veillait dans la maison. Il aurait été alors obligé de renoncer à son projet. Mais le maître de la maison aperçut très bien le larron et décida de lui jouer un bon tour. Il dit tout bas à sa femme :
« Demande-moi, en parlant fort (peu importe si on t'entend), d'où m'est venue cette richesse qui nous permet de bien vivre aujourd'hui. Arrête-toi de me poser des questions seulement quand j'aurai tout bien raconté. »
Celle-ci fit ce que son mari demandait ; elle lui dit à haute voix :
« Sire, par Dieu, racontez-moi donc comment vous avez amassé toute votre richesse. Je n'ai jamais pu le savoir. Je ne vous ai jamais vu faire le marchand ou le prêtre pour gagner autant d'argent qu'eux. Je ne sais où vous avez acquis toute cette richesse.
— Vous avez tort de me poser cette question, répondit le mari. Utilisez donc comme bon vous semblera toutes les richesses dont vous disposez. »
Alors elle se mit à le presser de plus en plus pour obtenir une réponse. Le mari se faisait prier ; finalement il fit mine de céder et raconta comment il s'était enrichi :
« Je fus jadis un larron, dit-il, et c'est de là que vient toute ma fortune.
— Comment! Vous avez pu voler sans être incriminé ?
— Mon maître, continua le mari, m’enseigna un charme qui lui plaisait beaucoup. Quand je me trouvais la nuit sur le toit d'une maison, je répétais sept fois la formule de ce charme puis j’embrassais un rayon de lune. Je descendais alors dans la maison et je prenais tout ce que je voulais. Quand je voulais en partir, je répétais sept fois encore la formule du charme, j’embrassais de nouveau le rayon de lune et je remontais comme à une échelle.
— Dites-moi donc cette formule magique.
— Elle est très facile : c’est le mot saul répété sept fois. Quand cette formule est dite, le rayon me porte aisément et je ne réveille personne.
— Par Saint Maur, dit la femme, ce charme est un vrai trésor. Si un ami ou un parent pauvre en a besoin, je lui enseignerai ce charme et il deviendra riche et puissant. »
Le maître de maison dit alors à sa femme de se taire et de dormir ; il avait assez veillé et il avait sommeil. Elle le laissa se reposer et il se mit à ronfler.
Quand le larron entendit les ronflements, il crut que le maître de maison était endormi. Il n'avait pas oublié la formule magique et il la répéta sept fois puis embrassa un rayon de lune, y noua ses pieds et ses mains... et dégringola sur le sol. Il se brisa la cuisse droite et le bras droit. Le rayon de lune l'avait bien mal porté ! Le maître de maison fit alors semblant de se réveiller et d'être effrayé par le bruit. Il demanda en criant bien fort d'où venait un tel tapage :
« Je suis, dit l'autre, un larron, et pour mon malheur, j'ai entendu votre formule magique. Votre charme m'a si bien porté que me voici blessé et meurtri. »
On prend alors le larron et on le livre tout de suite à la justice.
fabliau anonyme, adaptation de Jean-Jacques besson.